peu à peu

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Peu à peu son souvenir s’évanouissait, j’avais oublié la fille de mon rêve. 🔊

Mais il suffisait que, dans mon lit même, mon sommeil fût profond et détendît entièrement mon esprit; alors celui-ci lâchait le plan du lieu je m’étais endormi, et quand je m’éveillais au milieu de la nuit, comme j’ignorais je me trouvais, je ne savais même pas au premier instant qui j’étais; j’avais seulement dans sa simplicité première, le sentiment de l’existence comme il peut frémir au fond d’un animal: j’étais plus dénué que l’homme des cavernes; mais alors le souvenirnon encore du lieu j’étais, mais de quelques-uns de ceux que j’avais habités et j’aurais pu êtrevenait à moi comme un secours d’en haut pour me tirer du néant d’ je n’aurais pu sortir tout seul; je passais en une seconde par-dessus des siècles de civilisation, et l’image confusément entrevue de lampes à pétrole, puis de chemises à col rabattu, recomposaient peu à peu les traits originaux de mon moi. 🔊

Ma tante avait peu à peu évincé tous les autres visiteurs parce qu’ils avaient le tort à ses yeux de rentrer tous dans l’une ou l’autre des deux catégories de gens qu’elle détestait. Les uns, les pires et dont elle s’était débarrassée les premiers, étaient ceux qui lui conseillaient de ne pas «s’écouter» et professaient, fût-ce négativement et en ne la manifestant que par certains silences de désapprobation ou par certains sourires de doute, la doctrine subversive qu’une petite promenade au soleil et un bon bifteck saignant (quand elle gardait quatorze heures sur l’estomac deux méchantes gorgées d’eau de Vichy!) lui feraient plus de bien que son lit et ses médecines. L’autre catégorie se composait des personnes qui avaient l’air de croire qu’elle était plus gravement malade qu’elle ne pensait, était aussi gravement malade qu’elle le disait. 🔊

Beaux après-midi du dimanche sous le marronnier du jardin de Combray, soigneusement vidés par moi des incidents médiocres de mon existence personnelle que j’y avais remplacés par une vie d’aventures et d’aspirations étranges au sein d’un pays arrosé d’eaux vives, vous m’évoquez encore cette vie quand je pense à vous et vous la contenez en effet pour l’avoir peu à peu contournée et enclosetandis que je progressais dans ma lecture et que tombait la chaleur du jourdans le cristal successif, lentement changeant et traversé de feuillages, de vos heures silencieuses, sonores, odorantes et limpides. 🔊

Ainsi passait la vie pour ma tante Léonie, toujours identique, dans la douce uniformité de ce qu’elle appelait avec un dédain affecté et une tendresse profonde, son «petit traintrain». Préservé par tout le monde, non seulement à la maison, chacun ayant éprouvé l’inutilité de lui conseiller une meilleure hygiène, s’était peu à peu résigné à le respecter, mais même dans le village , à trois rues de nous, l’emballeur, avant de clouer ses caisses, faisait demander à Françoise si ma tante ne «reposait pas»,—ce traintrain fut pourtant troublé une fois cette année-là. 🔊

Peu à peu son esprit n’eut plus d’autre occupation que de chercher à deviner ce qu’à chaque moment pouvait faire, et chercher à lui cacher, Françoise. 🔊

Mais Françoise doit le savoir maintenant que vous y avez donné une voiture».—«Que je lui ai donné une voitures’écriait ma tante.—«Ah! mais je ne sais pas, moi, je croyais, je l’avais vue qui passait maintenant en calèche, fière comme Artaban, pour aller au marché de Roussainville. J’avais cru que c’était Mme Octave qui lui avait donnéPeu à peu Françoise et ma tante, comme la bête et le chasseur, ne cessaient plus de tâcher de prévenir les ruses l’une de l’autre. 🔊

Je m’aperçus peu à peu que la douceur, la componction, les vertus de Françoise cachaient des tragédies d’arrière-cuisine, comme l’histoire découvre que les règnes des Rois et des Reines, qui sont représentés les mains jointes dans les vitraux des églises, furent marqués d’incidents sanglants. 🔊

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